1. Cèdres de Tolga

Les Cèdres de Sibérie du Monastère de Tolga

Lors de mon dernier voyage en Russie, avec un petit groupe d'amis j'ai eu le plaisir de visiter le Monastère de Tolga (Monastère de la Présentation de la Vierge) qui abrite depuis 1987 un couvent réservé aux femmes. Il est situé à 6 km au nord de Iaroslavl sur la rive gauche de la Volga à son confluent avec la Tolga.

La religieuse chargée d'accueillir et de guider les visiteurs nous a parlé du Cèdre de Sibérie dont plus d'une centaine poussent dans un parc attenant au monastère. Amateur de botanique, j'ai été intrigué par cet arbre magnifique qui pour moi avait tout d'un pin et non d'un cèdre, ce qui m'a poussé à m'y intéresser.

Vue aérienne du Monastère de Tolga (Photo d'une image présentée dans le Monastère: A. Bigou)

Au cours de mes recherches je suis tombé sur le Site officiel du Monastère de Tolga (© 2013—2016. Свято-Введенский Толгский женский монастырь. Официальный сайт.) dans lequel j'ai recueilli et traduit l'article qui suit.

Histoire du bosquet de Cèdres de Sibérie du Monastère de Tolga

Le bosquet de cèdres a été planté au XVIe siècle pour commémorer la découverte miraculeuse de l'icône retrouvée intacte après l’incendie. Depuis, des étangs ont été aménagés sur le site, sans doute, en prévention des incendies.

 Les grands "cèdres" à l'entrée du bosquet du Monastère de Tolga (photo: A. Bigou)

Le bosquet de cèdres a toujours été la fierté du monastère. Ses allées tranquilles entre les arbres centenaires furent maintes fois parcourues par les tsars, les princes, et les invités de marque de Tolga. Le berceau des cèdres est le Liban, mais en Russie on rencontre seulement un pin appelé "Cèdre de Sibérie". Selon la légende, le cosaque Yermak (un des premiers explorateurs de la Sibérie occidentale) a fait cadeau à Ivan le Terrible de deux cônes venant d'un immense pin de Sibérie. Le tsar les a offerts au monastère en remerciement d'une guérison miraculeuse (en 1553). Après avoir reçu ce cadeau original, les moines ont planté plus d’une centaine de cèdres derrière le monastère.

 Chapelle de l'Icône II de Tolga (photo A. Bigou)

En 1879 le bosquet de cèdres a été ravagé par une tornade, il ne restait seulement sur place que les souches des puissants arbres. L'un d'eux porte une plaque en fer blanc sur laquelle on pouvait lire les strophes rédigées (par l'abbesse Tamara) plusieurs années après l’ouragan (1).

Все со временем проходит -                  Горе, счастье пролетит. К разрушению все стремится - Кто сей доли избежит? Кедр высоко, с облаками Наравне, вчера стоял. Ныне ж вниз лежит ветвями: Бурный ветр его сломал. Так, увы, и нас подломит, Может быть, внезапно смерть. В глубине земли схоронят Наше тело, нашу персть...   И цветочек сей прекрасный Рощу кедров украшал, Ветер дунул вдруг ненастный - И цветочек тот завял.   Так, друзья, и мы увянем, Скоро век наш пролетит, Расцветать мы перестанем, Когда дух наш отлетит.   Здесь гуляя, гость любезный, Между кедров и цветов, Помни рок свой неизбежный: Берегись от грехов.   И почаще ты молися Здесь, в обители святой, Благо делать не ленися - И обрящешь ты покой.   Ждет тебя страна иная, Счастье вечно там живет, Там на небе блага рая Твое сердце обретет.

Tout comme le temps qui passe Tristement, le bonheur s’envolera. A la destruction tous s'exposent, Au coup du sort, qui réchappera?   Le grand cèdre dans les nuages Hier se tenait fièrement. Aujourd'hui les branches gisent, Brisées par la furie du vent.   Ainsi, hélas le sort nous réserve, Peut-être une mort subite. Enfouis au fond de la terre, Notre corps, notre poussière...   Et cette belle fleur épanouie Du bosquet de Cèdres paré, Quand soudain le vent des pluies A soufflé, la fleur s'est fanée.   Mes amis, aussi nous fanerons, Car bientôt un siècle aurons, Et de fleurir nous cesserons, Quand nos esprit s'envoleront.   Parmi les fleurs et les cèdres, Se promenait ici mon cher invité, Pensez à votre sort inévitable: Prenez garde aux péchés.   Et souvent vous priez Ici, dans le saint monastère, Faire le bien, ne pas traîner, Et le repos vous trouverez.   Un autre pays vous attend Le bonheur est toujours là, Du paradis les agréments Votre cœur appréciera.

 Vues anciennes du Monastère tirées du site officiel

Après la tempête les moines ont restauré le bosquet et construit une serre pour cultiver des fleurs et de la vigne. Après la célébration du 600 anniversaire de Tolga en septembre 1914 le magazine « Vie paroissiale » publia un poème d’un auteur inconnu, consacré au bosquet de cèdres du monastère.

Яркое солнце уже потухает, Кедров вершины оно золотит, Звон колокольный гудит, замирает, Ветер средь кедров приятно шумит.   Много веков великаны Сибири, Кедры могучие, в Толпе шумят, - Кажется, о неизведанном мире, Мире прекрасном они говорят.   И ароматы слышны неземные В роще кедровой от дивных цветов, Чудятся звуки и песни Святые... Выразить чувства нет мыслей, нет слов.

Les rayons du soleil déclinent, Dorant la cime des cèdres, Le bourdonnement des cloches s'arrête, Le vent murmure dans les cèdres.   Durant des siècles les géants de Sibérie, De puissants cèdres, dans un bruit de foule, Semblent nous dire que ce monde inconnu, est un monde merveilleux.   En percevant les parfums éthérés, D'un bosquet de cèdre aux superbes couleurs, S'émerveiller des sons et des chants sacrés... Exprimer ses sentiments sans pensées, en silence.

Au fil des ans, les arbres furent traités comme des saints et les pommes de pin étaient vendues comme des reliques. Dans les périodes impies, ils restèrent dans la mémoire des fidèles qui sont venus à Tolga. Le bosquet était considéré comme le seul lieu non profane du cloître. A Pâques les fidèles déposaient des œufs décorés et des tranches de gâteaux sur un grosse souche.

Jeune "cèdre" (photo: A. Bigou)

Durant l’ère soviétique, lorsque le monastère a abrité une colonie, les cèdres ont commencé à dépérir. Le système de drainage construit par les moines s'est délabré et les étangs se sont asséchés. Les moines ont essayé de les remplir à nouveau, mais l'eau n'y est pas restée.

150 plants de cèdres furent plantés dans le bosquet en 1970, mais seulement 24 ont pris.

Au moment de la restitution du monastère à l'Eglise Orthodoxe en 1987, seuls 27 cèdres bicentenaires avaient survécu. La nouvelle plantation des cèdres, accompagnée de bénédiction et de prières a mieux réussi que les années précédentes. Actuellement dans le murs sacrés poussent 193 arbres.

En 2004, un an après la reprise des fouilles archéologiques, la chapelle qui avait disparu a été restaurée, celle qui fut construite au XIVe siècle en l’honneur de la deuxième icône de Tolga trouvée après l’incendie.

Sainte Tolga, tome 2 (Святая Толга, том 2)

(1) L'abbesse Tamara est née en 1879, elle a écrit ce poème que j'ai traduit.

Source: le Site Officiel du Monastère de Tolga.

L'Icône de Tolga II dite aussi de l'apparition

Une des copies de l'icône de Tolga est appelée de «l'apparition» ou «Tolga II». On lui attribue des pouvoirs miraculeux. Les récits à propos des légendes de miracles ont été écrits au XVI^e siècle sur base de traditions locales. L'icône est conservée au monastère de Tolga, qui a été construit à l'endroit où l'icône aurait été découverte. En 1920, elle a été confiée à la collection du Musée d'art de Iaroslavl. En 2003, l'icône est transférée au monastère, tout en restant juridiquement dans le patrimoine du musée de Iaroslavl.

La légende lie les origines de cette icône à l'histoire suivante : en 1314 Prokhor, l'évêque de l'éparchie de Rostov et de Iaroslavl, aperçoit un faisceau de lumière de l'autre côté d'un pont sur la Tolga et se rend vers l'apparition. «  Après avoir atteint la rive opposée, l'évêque a vu l'image de la Sainte Vierge Marie tenant son fils Jésus dans les bras; l'image n'était pas dans un arbre mais se tenait miraculeusement à une hauteur de cinq coudées, si bien que l'on ne pouvait l'atteindre de la main en se tenant au sol. L'évêque s'incline devant l'image de la Vierge tout en récitant des prières émues pleines de larmes à la reine du monde . Puis après ces prières il s'en va oubliant sa crosse d'évêque sur place»

 Icône de la Mère de Dieu de Tolga entourée de ses kleimos, 1655 (source: Wikipédia)

Le lendemain matin l'évêque envoya des serviteurs sur les lieux de l'apparition pour chercher sa crosse, mais ceux-ci trouvent une icône de la Vierge Marie sur le sol à son emplacement. L'évêque Prokhor fit construire le jour même une église en bois sur les lieux de la découverte, elle sera consacrée le jour de la fête de la Présentation de Marie au Temple, et à côté d'elle, la fondation du monastère de Tolga qui prit le même nom que l'église. Le 8 août, jour de la découverte de l'icône, devint le jour de la fête qui leur est consacrée.

La tradition attribue à l'icône de Tolga les miracles suivants:

• Le 16 septembre 1392: apparition de myrrhe odoriférante sur l'icône lors des matines;
• Résurrection d'un enfant mort amené au monastère pour être enterré, à la suite des prières de ses parents à la Vierge devant l'icône;
• Fin du XIV^e siècle - début du XV^e siècle: préservation miraculeuse du feu d'un incendie qui détruit l'église. L'icône est retrouvée intacte dans un bosquet du monastère;
• 1553: guérison d'une maladie du pied du Tsar Ivan le Terrible. En signe de reconnaissance le Tsar ordonne la construction d'une cathédrale en pierre dans le monastère;
• 1766: sauvetage de Iaroslavl de la sécheresse.

Texte: condensé d'un article de Wikipédia

 Extrémité d'une pousse de "cèdre de Sibérie" (photo: A. Bigou)