Maison des Volkonski à Irkoutsk

La Maison des Volkonski (Irkoutsk le 10 juin 2011)

Cette visite fait partie du programme du voyage de Moscou au Lac Baïkal.

Je ne pouvais exposer mes photos de la Maison-Musée des Volkonski sans faire un petit rappel historique, les Volkonski et les "Décembristes" ont marqué l'histoire d'Irkoutsk et de la Sibérie, l'album photos vous donnera un patit aperçu de leur cadre de vie à cette période.

 

En 1815, des jeunes officiers issus de la noblesse russe, de retour de la campagne contre les armées napoléoniennes viennent de rentrer au pays. Ils étaient imprégnés des idées révolutionnaires de l'Europe de l'ouest et rêvaient de réformer le régime tsariste, abolir le servage des moujiks et de créer une constitution.

Après la mort de l'empereur Alexandre Ier, ils tentèrent un coup de force le 14 décembre 1825 à Saint Pétersbourg, pour empêcher le futur empereur Nicolas Ier de prêter serment et faire voter la constitution. Mal préparée, l'insurrection échoua et fut sévèrement réprimée. 3000 civils et militaires furent arrêtés, 5 insurgés condamnés à mort, les 121 déportés et condamnés aux travaux forcés, les autres militaires furent mutés dans des unités disciplinaires. On leur attribua l'appellation de "Декабри́сты", "Décembristes".

Onze femmes ou amies des Décembristes firent preuve d'un courage exemplaire, elles décidèrent de les suivre, non sans avoir signé un "Acte de renoncement" à leur rang, à leurs privilèges et à leur fortune, et n'étaient pas autorisées à faire suivre leurs enfants en Sibérie.

Le chef de l'insurrection, le prince Sergueï Troubetzkoï auteur du "Manifeste pour le peuple russe" fut condamné au bagne à vie. Son épouse Ekaterina Trouzbetskaïa (Catherine Laval) fut la première femme à rejoindre le groupe de condamnés au cours d'un interminable voyage de plus de cinq mille kilomètres. Elle faillit périr dans l'Ienisseï, elle fut poursuivie par des bandits, des fonctionnaires lui tendirent des embûches pour la faire renoncer, et après avoir été retenue à Irkoutsk pendant neuf mois elle fut enfin autorisée à se rendre à Blagodatsk, lieu d'internement de son mari.

Sergueï Grigorievich Volkonski participa à la campagne de Russie, et s'illustra à la bataille de la Bérézina en 1812 et de Laon en 1814, il fût même nommé gouverneur militaire de la ville de Reims en 1814. Lors du jugement des Décembristes il fut condamné à 20 ans de bagne. Son épouse Maria Raievskaïa, amie de Pouchkine, fut la deuxième à faire le voyage en Sibérie, elle rejoint Ekaterina et partagea une petite cabane avec elle dans des conditions extrêmement dures, semblables à celles de leurs époux. Au début elles n'avaient l'autorisation de voir leur mari que deux fois par semaine, en présence d'un gardien.

Neuf autres femmes les suivirent dont deux françaises Prascovia Egorovna Annenkova (Pauline Gueble) épouse d'Ivan Alaexandrovich Annenkov et Camille Ivachova (Le Dantu) épouse de Vassili Ivachiev.

A leur arrivée à Irkoutsk le gouverneur répartit les condamnés dans des usines proches de la ville mais la police considérant que cela n'était pas conforme à la décision de justice, ils furent transférés au Katorga (bagne) des mines de Nerchinsk près de Blagodatsk, en Transbaïkalie, près de du fleuve Amour et de la frontière chinoise.

De 1832 à 1836 les survivants furent autorisés à retourner chez eux, la plupart s'installèrent dans différentes villes de Sibérie. Leur présence fut salutaire à la région, ils devinrent enseignants, docteurs et contribuèrent à l'alphabétisation des enfants et des adultes. Ils enseignèrent des techniques d'arts, des métiers et même la musique aux populations locales mais ils étaient privés du droit de fréquenter les églises, de participer aux réunions publiques ou fréquenter la société. On leur construisit une petite église en bois, a l'emplacement de laquelle se trouve actuellement la place des Décembristes.

 

L'histoire d'Irkoutsk est donc particulièrement liée à celle des Volkonski et des Troubetski qui reçurent l'autorisation de venir s'y installer.

Sergueï Volkonski a d'abord travaillé dans les mines de Nerchinsk, puis en 1827 il fut transféré à Chita, quelques années plus tard à l'usine Petrovski Zavod de Petrov-Zabaïkalskaïa et en 1837 il s'installa à Ourik, près d'Irkoutsk. Il reçut le statut de colon et 16 hectares de terrain sur lequel avec d'autres exilés il introduisit et expérimenta pour les développer en Sibérie les cultures d'orge, de choux-fleurs, de melons et de cornichons. En 1846, il acquiert un terrain à Irkoutsk près de l'Eglise de la Transfiguration, et y transporte sa maison qui comporte 18 pièces et une surface habitable de 488 m2. Il y aménage un jardin d'hiver. La maison porte le numéro 10 de la rue Volkonski (10 Péréoulok Volkonskogo).

Pendant onze ans Irkoutsk fut le centre de la colonie décembriste de Sibérie Orientale. La privation de vie publique amena les Volkonski et les Troubetski à organiser à domicile des concerts, des spectacles, des soirées costumées, littéraires, théâtrales, à l'occasion du passage de musiciens et de chanteurs venus de Saint Pétersbourg, de France et d'Italie. Ils recevaient même des journaux et des nouvelles de France. Les habitants d'Irkoutsk étaient flattés d'être invités par des gens aussi brillants, considérés comme une grande école de la raison, de la morale, du savoir vivre. Les maisons Volkonski et Troubetski étaient le coeur et le centre culturel d'Irkoutsk.

En 1856 le nouveau tsar Alexandre II, dit le Libérateur, entreprit de grandes réformes, il ordonna l'amnistie des décembriste et abolit le servage. Sergueï Volkonski rentra à Saint Péterbourg, il est mort en 1865 à l'âge de 77 ans, deux ans après son épouse.

La maison fut transformée en 1920 en immeuble communautaire et connut d'importantes dégradations, il fallut 11 ans pour la restaurer à l'identique de la période décembriste, c'est maintenant un musée qui a ouvert le 10 décembre 1985. Le musée renferme de nombreux objets authentiques de la famille Volkonski et des Décembristes. La visite est très émouvante et l'on est vite plongé dans l'ambiance feutrée de l'époque. Le jardin d'hiver cher aux Volkonski fut reconstitué.

Lors de la visite, après avoir fait le tour des pièces notre hôte nous reçut dans un salon pour écouter un concert de musique et des chants de cette époque extraordinaire de la vie de la Sibérie.

Le metteur en scène Vladimir Motyil a réalisé un film artistique qui raconte l’histoire de la vie des décembristes en Sibérie et la volonté de leurs femmes qui ont suivi leurs maris dans un exil volontaire. Ce film porte le titre « L’étoile du bonheur captivant ».